Sentir la faim

Sentir la faim

 

Émilie Aubry-Lafontaine

Étudiante au doctorat à la Chaire de recherche UQTR en neuroanatomie chimiosensorielle, depuis 2017.

 

 

 

Grâce aux dernières découvertes scientifiques, sentir la faim n’aura jamais eu autant de sens pour les personnes obèses ! 

L’obésité est un fléau des sociétés occidentales modernes. En 2013-2014, 1 adulte sur 5 était catégorisé obèse au Québec1. Selon l’Organisme mondial de la santé, l’obésité est définie par une accumulation anormale ou excessive de graisse qui présente un risque pour la santé2

En effet, l’obésité est à l’origine de certaines maladies chroniques telles que le diabète de type 2, des maladies cardio-vasculaires, des troubles musculo-squelettiques, certains cancers et la mortalité prématurée3

 

Mais au-delà des mauvaises habitudes de vie, quels changements dans notre organisme sont impliqués ? 

Une étude réalisée par l'Université de Berkeley en Californie a permis de démontrer que l’odorat aurait un rôle insoupçonné dans l’obésité et la résistance à l’insuline, qui est impliquée dans le diabète de type 2. Le système olfactif possède différentes fonctions. Il est responsable de l’appréciation des odeurs, il nous permet de distinguer les saveurs et il est impliqué dans l’homéostasie énergétique. L’équipe du Dr Riera a découvert que des souris qui n’avaient plus d’odorat étaient protégées de l’obésité induite par une alimentation riche en graisse [1]. 

En effet, les souris qui avaient perdu la perception des odeurs après l'apparition de l'obésité ont cessé leur prise de poids supplémentaire et elles ont réduit leur résistance à l'insuline, qui régule le taux de sucre dans le sang. 

Tandis que chez les souris qui avaient un odorat normal, elles ont tout simplement doublé de poids, même si elles consommaient la même quantité de nourriture. Ainsi, perdre l’odorat à la suite d’une prise de poids importante pourrait réduire l’accumulation de graisse corporelle, possiblement par une diminution de la résistance à l’insuline. 

 

Comment la perception des odeurs agit-elle sur nos  pulsions alimentaires ? 

Notre faim influence directement notre sensibilité olfactive, ce qui suggère une communication réciproque entre notre odorat et notre cerveau. Plus précisément, notre acuité olfactive est stimulée lorsque nous avons faim, alors que la satiété provoque une réduction de notre odorat. Pour expliquer ce phénomène, une autre étude effectuée par les chercheurs du NeuroCentre Magendie de Bordeaux a permis de découvrir que les récepteurs cannabinoïdes (CB1) permettent la communication entre notre odorat et notre cerveau [2]. Plus spécifiquement, l’information circule entre le cortex olfactif (la structure cérébrale qui analyse l’information odorante) et le bulbe olfactif (la première région de notre système nerveux à traiter l’information odorante) grâce aux récepteurs CB1. 

Lorsque nous avons faim, notre cerveau active les récepteurs CB1, qui activent à leur tour le système olfactif pour réveiller notre odorat. C’est ce mécanisme qui expliquerait notre attirance pour l’odeur des tartes aux pommes !

 

Les résultats de ces études démontrent que l'odorat est influencé par le degré de satiété. L’odeur de la nourriture permet d’apprécier et de sélectionner les aliments, mais son impact global reste à étudier. 

 

 



Références
1.Riera, C.E., et al., The Sense of Smell Impacts Metabolic Health and Obesity. Cell Metab, 2017. 26(1): p. 198-211 e5. - https://goo.gl/iZSrYW
2.Soria-Gomez, E., L. Bellocchio, and G. Marsicano, New insights on food intake control by olfactory processes: the emerging role of the endocannabinoid system. Mol Cell Endocrinol, 2014. 397(1-2): p. 59-66. - https://goo.gl/gFH6G1

Rédigé par OdoMag