Calcul de la dispersion atmosphérique

Calcul de la dispersion atmosphérique

 

Richard Leduc, Ph.D. (AirMet Science Inc.)  

a 46 ans d'expérience en météorologie et qualité de l'air dans le domaine de la modélisation de la dispersion; il a développé un modèle lagrangien stochastique pour application en milieu densément urbanisé. Il a mis en place plusieurs programmes d'échantillonnage, publié des livres, articles, rapports etc. et donné de nombreuses formations. Il est Professeur associé bénévole à l'Université Laval. Amateur d'art et d'histoire c'est un collectionneur d'icônes et autres objets. Son odeur préférée est l’odeur du sapin baumier.

 

Il est de pratique courante d'utiliser un modèle de dispersion pour évaluer l'impact des émissions atmosphériques d'une installation (par exemple, cimenterie, raffinerie, usine d'équarrissage, porcherie, bassin d'aération etc.) en vue de démontrer le respects de normes de qualité de l'air (ou l'absence de nuisance) et obtenir un permis d'exploitation au MDDELCC* par exemple; leur usage est normé et souvent exigé par le MDDELCC.  L'objectif de ce texte est de donner quelques informations au lecteur afin de le familiariser avec cet outil.

 
Un modèle est une représentation approximative d'une certaine réalité, par exemple un modèle réduit d'une automobile, un centre-ville dans une soufflerie etc.  Le modèle de dispersion tente de reproduire, à l'aide d'équations mathématiques, les phénomènes atmosphériques reliés au transport et à la dispersion d'un contaminant émis par une ou plusieurs sources.  Nous discutons ici de deux types de modèle, soit le modèle gaussien et le modèle lagrangien.  
 
Les modèles gaussiens, comme AERMOD qui est un modèle réglementaire, sont largement utilisés vu leur simplicité.  À partir des équations de base décrivant la dispersion dans l'atmosphère on peut, à l'aide de plusieurs hypothèses simplificatrices, obtenir une solution qui exprime sous une forme gaussienne la concentration sous le vent d'une source pour certaines conditions météorologiques.  La forme gaussienne (ou en cloche) est celle de la loi normale et est attibuée au célèbre mathématicien allemand JCF Gauss (1777-1855) qui l'a étudiée.  Des ajustements sont faits pour tenir compte de divers effets particuliers, comme par exemple la présence de bâtiments et la topographie.  La partie la plus difficile (peu importe le modèle) est assurément la représentation de la turbulence atmosphérique mais elle est maintenant mieux décrite et basée sur des concepts plus avancés. Une faiblesse du modèle gaussien est dû au fait qu'il n'y a pas de variation de la vitesse et de la direction du vent et de la turbulence dans tout le domaine de modélisation à une heure donnée.  Par exemple, s'il y a une vallée dans le domaine de modélisation, le vent peut différer grandement selon l'endroit.
 
Une autre difficulté du modèle gaussien, particulièrement importante dans le cas de la dispersion des odeurs et due au fait qu'il procure une concentration moyenne d'une heure.  Une concentration odeur horaire n'est pas représentative des fluctuations rapides qui lors de courts moments pourraient dépasser un seuil de plainte par exemple.  Pour pallier à cela, divers artifices sont possibles; au Québec, la concentration odeur horaire est multipliée par un facteur de 1.9 et c'est cette valeur qui sert de point de comparaison avec les concentrations (odeur) seuils.  Cette question de la représentation des fluctuations est loin d'être réglée.
 
 
Le modèle AERMOD calcule la concentration d'un contaminant dans un domaine de modélisation; la représentation la plus usuelle des résultats est sous la forme de courbes d'iso-concentrations (ou isoplèthes) comme celles de la Figure 1.  On y illustre la concentration maximale de NOx suite aux émissions d'une centrale thermique.
 
Le modèle lagrangien diffère grandement du modèle gaussien.  Ce type de modèle tient son nom du grand mathématicien d'origine italienne J-L Lagrange (1736-1813).  Dans ce cas, une particule de contaminants ou d'odeurs se déplace et ajuste son mouvement selon le vent et la turbulence locale; on obtient ainsi une trajectoire (en 3 dimensions) d'une particule d'odeur.  Pour connaître la concentration odeur à un endroit donné (un volume), on compte le nombre de particules qui y passent et le temps qu'elles y restent.  Cependant un panache odeur n'est pas constitué d'une seul particule d'odeur et il faut, pour obtenir un estimé représentatif, simuler le voyage d'une grande quantité de particules ce qui augmente le temps de calcul.
 
 
La représentation mathématique d'un modèle lagrangien est très complexe et l'implantation des algorithmes de solutions dans l'ordinateur est laborieuse.  Comme dans le cas des modèles gaussiens la représentation des fluctuations rapides n'est pas encore réglée et s'avère encore plus complexe mais prometteuse.
 
Le modèle lagrangien s'adapte bien à un milieu densément urbanisé.  En effet, le champ de vent dans le milieu urbain peut être simulé de diverses manières pour tenir compte des effets individuels des bâtiments et des canyons urbains et fournir les informations en 3D du champ de vent dans lequel les particules de contaminant ou d'odeur voyageront.  Un exemple est montré à la Figure 2 qui illustrent (vue à vol d'oiseau) des particules qui se déplacent dans les rues de la basse-ville de Québec à moins de 6 m (modèle ©AIRLAG de AirMet Science Inc.); la source est située dans la partie inférieure gauche.
 
Un autre exemple de l'application du même modèle est montré à la Figure 3 qui montre une vue latérale d'une rampe de neutralisant.  Il s'agit dans ce cas d'en évaluer l'efficacité selon sa position par rapport à la source d'odeur, sa hauteur et sa longueur.  Dans ce cas, on relâche des particules lors de certaines conditions météorologiques et elles sont suivies individuellement.  On compte le nombre d'entre elles qui traversent la rampe et qui sont neutralisées; la fraction par rapport au total, donne l'efficacité pour la condition météorologique, la hauteur, la distance par rapport à la source et la longueur de la rampe.  
 
 

Les modèles de tout type sont des outils puissants qui permettent aux utilisateurs de mieux comprendre un problème.  Ils servent aussi à démontrer le respect de normes d'air ambiant, l'absence de nuisance ou encore à évaluer divers scénarios de configuration d'une installation.

 
Richard Leduc, Ph.D.
 
 
* MDDELCC :  Ministère du Développement Durable, de l'Environnement et de la Lutte Contre les Changements Climatiques
 
Rédigé par Richard Leduc