Question de turbulence - 3

Question de turbulence - 3

 

Richard Leduc, Ph.D. (AirMet Science Inc.)  

a 46 ans d'expérience en météorologie et qualité de l'air dans le domaine de la modélisation de la dispersion; il a développé un modèle lagrangien stochastique pour application en milieu densément urbanisé. Il a mis en place plusieurs programmes d'échantillonnage, publié des livres, articles, rapports etc. et donné de nombreuses formations. Il est Professeur associé bénévole à l'Université Laval. Amateur d'art et d'histoire c'est un collectionneur d'icônes et autres objets. Son odeur préférée est l’odeur du sapin baumier.

 

Suite de l'article commencé dans les numéros 4 et 5 d'OdoMag

 

Nous poursuivons dans ce numéro la discussion sur la turbulence atmosphérique et les inversions de température.  Dans le dernier numéro d'Odomag, nous avons vu que l'inversion de radiation se produit la nuit lorsque le vent est faible et le ciel dégagé.  Un ciel nuageux fait en sorte que le refroidissement du sol est moindre et un vent plus fort a pour effet de mélanger l'air ce qui amoindrit ou empêche la formation de l'inversion de radiation.


Dans le cas de cette inversion, on comprend que les conditions locales sont importantes.  Chaque type de sol a ses propriétés et l'évolution de la température sera différente pour chacun.  Il suffit de comparer un sol sec et une masse d'eau.  La nuit le sol sec se refroidira davantage que la masse d'eau.

 

Un autre facteur d'importance est la topographie locale.  Imaginons une situation où on retrouve une source d'émission d'odeurs (ou de contaminants) dans le fond d'une vallée une nuit avec un ciel clair et peu de vent. Suite au refroidissement des pentes de la vallée, l'air froid en contact, à cause de sa plus grande densité, s'écoulera le long de la pente pour s'accumuler dans le fond de la vallée.  Graduellement se formera un dôme d'air froid caractérisé par un forte inversion de température.  Les émissions de la source d'odeurs seront captives et les conditions seront favorables à l'augmentation des concentrations à cause de cet air stable.  Ce phénomène est très important en hiver par exemple car dans certaines municipalités localisées dans ce type d'environnement (et parfois même ailleurs) où le chauffage au bois est répandu, les niveaux d'odeurs et les concentrations de contaminants peuvent devenir élevés.

 

Notons que ce type d'écoulement le long d'une pente crée un vent appellé vent catabatique (voir illustration).  On peut facilement le détecter à l'aéroport de Québec, la nuit par ciel dégagé; ce vent du NORD est dû à la descente d'air en provenance des sommets au nord. 

 

L'inversion de radiation se dissipera graduellement après le lever du Soleil et lorsque la vitesse du vent augmentra durant la journée les concentrations de contaminants seront à la baisse.  Ce type d'inversion connait donc un cycle quotidien associé à l'évolution quotidienne de la radiation solaire.  Dans les journées qui se suivent et qui connaissent des conditions semblables (peu de vent, ciel dégagé), l'inversion se produira puis se dissipera dans la suite de ces journées.

Un autre type d'inversion qui a son importance est l'inversion de subsidence; subsidence on le rappelle signifie que l'air est en mouvement vers le bas et augmente sa température dans ce déplacement adiabatique*.  Elle est associée à des conditions météorologiques qui se produisent à une grande échelle.  On la retrouve dans une zone de haute pression particulière (chaude), celle qui nous amène des épisodes plus ou moins prolongés de beau temps chaud et souvent humide.  

 

À la différence de l'inversion de radiation, elle se manifeste non pas au sol mais en altitude, à quelques kilomètres de hauteur.  Mais son action est la même: tous les contaminants émis sont emprisonnés sous cette inversion.  Le fait que cette zone de haute pression est durable conduit ainsi à l'augmentation graduelle des concentrations de contaminants.  On retrouve habituellement cette haute pression sur la côte est et souvent en été; dans ce cas elle fait la manchette: on prévoit un épisode de smog.  Le ciel est habituellement dégagé dans cette haute pression et la nuit le vent se calme si bien qu'elle s'accompagne aussi souvent d'une inversion de radiation.  Ces deux acolytes coopèrent donc pour favoriser un épisode de pollution.

 

Mais l'histoire ne se termine pas ici.  On en saura davantage dans le prochain numéro.

 

Adiabatique : En thermodynamique, une transformation est dite adiabatique
(du grec adiabatos, « qui ne peut être traversé ») si elle est effectuée sans qu'aucun
transfert thermique n'intervienne entre le système étudié
et le milieu extérieur (sans échange calorifique).

Rédigé par Richard Leduc