Illusion olfactive

Illusion olfactive

Jeffrey Perron, B.Sc.G.

Chargé de la recherche et du développement des produits, BioService Montréal

 

 

Avez-vous déjà fait l’expérience d’une hallucination auditive? Vous entendez des paroles en français alors que la chanson est dans une autre langue. Avez-vous déjà eu une illusion d’optique? Comme dans l’exemple où vous fixez une chute d’eau pendant quelques instants puis vous tournez votre regard sur une surface fixe et avez l’impression que le décor monte. 

 

Dans les deux cas, vous êtes conscient de l’illusion. Ce phénomène de pleine conscience d’illusion ou mésinterprétation d’un stimulus a donné lieu à un bon nombre d’études, de recherches et d’hypothèses. Nos sens du toucher, de la vision et de l’ouïe ont tous été étudiés, vérifiés et contre-vérifiés au cours des années, mais ce n’est pas le cas de notre sens de l’odorat. La raison : nous sommes souvent, voire toujours, inconscients du fait que nous sommes témoins d’une illusion olfactive. Bon nombre de recherches en psychologie expérimentale semblent avoir mis de côté le comportement olfactif. L’information récoltée par notre nez est influencée par de nombreux facteurs ce qui n’est pas le cas des autres sens (à part le sens du goût puisque l’odorat et le goût sont en lien direct, nous y reviendrons plus loin). Ces différents facteurs rendent la vérification des résultats des expériences très compliqués à compiler et à analyser.  C’est en grande partie la raison pourquoi les scientifiques ont délaissé l’étude des illusions olfactives, les croyant tout simplement absentes. 

 

Parlons-en  de ces facteurs 


Il faut rappeler l’aspect visio-centrique du sensorium humain. Nos sensations, nos interprétations et perceptions sont basées sur ce que nous connaissons, voyons et entendons. En clair, nos expériences nous guident dans l’interprétation des différents stimuli. Richard J. Stevenson (professeur en psychologie expérimentale) a  effectué des tests sur des personnes sélectionnées (personnes dont l’odorat est fonctionnel) ; il a découvert que le fait de ne pas connaitre le nom de l’odeur rendrait celle-ci difficile à  reconnaitre. Ceci est en fait une  illusion olfactive.  Dans une autre expérience, le Département de Psychologie de l’université Macquarie en Australie a fait sentir 3 verres d’eau à quelques sujets. Deux des verres d’eau ont été colorés, un en bleu, l’autre en rouge. Les sujets devaient repérer le ou les verres odorants parmi les trois.

Résultats : dans 90% des cas, les sujets ont dit avoir senti une odeur dans les verres d’eau colorée.  

 

Dans une autre étude, les sujets avaient à donner leur appréciation et tenter de reconnaitre l’odeur cible, dans ce cas, citral ou citrus. Avant de les exposer à l’odeur cible, les sujets avaient à sentir deux séries d’odeurs. La première série d’odeurs était de la famille des fumés/brûlés et l’autre de la famille des agrumes. Résultat : dans le cas de la première famille des fumés/brûlés, les sujets ont décrit l’odeur cible comme appartenant à la famille des agrumes et inversement, la deuxième série a influencé les sujets à reconnaître une odeur appartenant à la famille de fumés/brulés. 


Autre exemple d’illusion  olfactive :  l’intensité. 


L’intensité d’une odeur est difficilement remarquée surtout une fois que nous avons identifié l’odeur. Lors d’expériences en laboratoire, des sujets ont été soumis à des hausses et des baisses d’intensité. En jouant avec l’intensité de l’odeur qui leur était présentée, les chercheurs ont découvert qu’il fallait une différence très importante en intensité avant que le sujet note un changement.  Il était question plutôt de la relation entre le sens de l’odorat et du goût. Nous pouvons sentir une odeur via deux canaux : orthonasal (le nez) et rétronasal (le nasopharynx où les volatils chimiques de la nourriture sont sentis). Non seulement les odeurs peuvent être perçues comme étant différentes, mais aussi, dans certains cas (fromage bleu, par exemple), les odeurs peuvent donner l’impression au sujet d’être toujours présentes dans la pièce lorsque l’aliment se trouve dans sa bouche (Stevenson, Oaten, & Mahmut, 2001).

 

Les raisons


Plusieurs facteurs peuvent contribuer à notre incapacité à reconnaître les illusions olfactives : (1) la difficulté que nous pouvons avoir à les vérifier (2) les variations de la perception olfactive et de la connaissance du système olfactif (3) la vulnérabilité apparente de l'odorat rendant la détection de la différence entre les odeurs compliquée et (4) plus généralement, l'odorat peut manquer de capacité à nous rendre pleinement conscients de nos mésinterprétations/illusions.  C'est peut-être pour ces raisons que les illusions olfactives ne jouissent pas de la même fascination que celles des autres sens et que certains observateurs en concluent qu'elles n'existent pas.

 

Les preuves disponibles suggèrent que nous pouvons éprouver des illusions olfactives, mais que ces phénomènes peuvent nous échapper. Cette incapacité à remarquer les illusions olfactives contribue sans doute au sentiment que ces expériences sont d'une forme qualitativement différente des illusions vécues avec les autres sens et doivent donc être étudiées différemment.

 

Définitions : La psychologie expérimentale est le champ de la psychologie basé sur la méthode scientifique. Elle a pour objet l'étude des comportements directement observables. https://fr.wikipedia.org/wiki/Psychologie_expérimentale

Rédigé par Jeffrey Perron