Modélisation de la dispersion des odeurs

Modélisation de la dispersion des odeurs

 

Richard Leduc, Ph.D. (AirMet Science Inc.)  

a 46 ans d'expérience en météorologie et qualité de l'air dans le domaine de la modélisation de la dispersion; il a développé un modèle lagrangien stochastique pour application en milieu densément urbanisé. Il a mis en place plusieurs programmes d'échantillonnage, publié des livres, articles, rapports etc. et donné de nombreuses formations. Il est Professeur associé bénévole à l'Université Laval. Amateur d'art et d'histoire c'est un collectionneur d'icônes et autres objets. Son odeur préférée est l’odeur du sapin baumier.

 

 

 

Dans les numéros précédents de OdoMag, nous avons introduit le modèle de dispersion, les concepts de turbulence et dans le dernier nous avons discuté de l'influence des conditions météorologiques sur l'allure d'un panache.  Dans les prochains numéros nous verrons de manière plus détaillée comment il est possible de calculer la concentration odeur à un endroit donné sous le vent d'une source d'odeur dans le cas d'une cheminée.


Dans ce qui suit, on fait référence aux concentrations d'odeur dont l'unité est le nombre d'unités d’odeur par mètre cube (uo/m3).

 

La question qui se pose est la suivante: soit une cheminée qui rejette dans l'atmosphère de manière continue une odeur (ou un autre contaminant) et dont la concentration dans cette cheminée est connu, qu’elle est à un endroit donné, à une certaine distance de la cheminée et à une certaine altitude, la concentration attendue de cette même odeur?  

 

Pour ce faire, on doit revenir aux principes physiques de base qui expliquent comment un contaminant (ou une odeur) se déplace dans l'air ambiant suite à son rejet dans l'atmosphère.  Disons au départ qu'un des objectifs est d'exprimer le tout de manière simple et relativement facile à calculer.  Pour y parvenir, on énonce des hypothèses et finalement on obtient une équation qui permet de répondre à la question; on reviendra sur ces hypothèses car elles sont importantes.

 

Ce que l'on obtient, et ce dont nous allons discuter, est ce que l'on appelle un modèle, et plus particulièrement le modèle gaussien; on l'a présenté au numéro 3 (hiver 2016).  Rappelons qu'un modèle est une représentation, ici assez simplifiée, d'un phénomène, certains peuvent être très complexes, comme les modèles de prévisions météorologiques et un modèle réduit d'une automobile, d'un navire ou d'un centre-ville en est un autre type.

 

L'expression qui représente ce modèle est la suivante:

Pour faciliter sa compréhension, on l'illustre sur la figure suivante (tirée de Stockie, 2010).  

 

 

 

La valeur de C que l'on calcule avec ce modèle est la concentration odeur en uo/m3 au point où on désire le résultat.  Voyons ce que sont les variables dont le modèle tient compte.

 

La courbe qui représente le profil des concentrations a une forme en "cloche" que l'on appelle la forme gaussienne.


Dans cette figure, une cheminée d'une hauteur h rejette un panache d'odeur, qui, sous l'effet du vent, est transporté et dispersé dans l'atmosphère.  Afin de localiser notre point de calcul, il est nécessaire de définir un système de coordonnées; ce pourrait être les coordonnées en latitude longitude par exemple mais ici nous choisissons un système dont l'origine se trouve directement sur la cheminée.  De plus, pour faciliter l'illustration, nous décidons de faire en sorte que l'axe x s'étendent sous le vent de la cheminée, direction dans laquelle se propage le panache; dans notre figure, la direction du vent est NORD-OUEST (rappelons que la direction du vent signifie la direction d'où vient le vent), alors notre axe x comptera les distances à partir du centre de la cheminée et vers le SUD-EST.  Quant à l'axe y, il est perpendiculaire à celui des x.  L'axe y compte ainsi la distance latérale entre notre point de calcul et le centre du panache.  

 

Dans la formule, on retrouve aussi la coordonnée z qui est la hauteur de notre point de calcul mesurée à partir du sol.  On remarquera que dans la figure, toute la région autour de la cheminée est à la même élévation que la base de la cheminée.  C'est le niveau z=0 m.  

 

Sur notre figure, nous constatons que le panache s'étale latéralement et verticalement en fonction de sa distance de la cheminée mais aussi comme on en a discuté précédemment selon les conditions météorologiques.  Deux variables tiennent compte de l'étalement de la cloche gaussienne, c'est ceux que l'on appelle les coefficients de dispersion représentés par sy et sz dans la formule; ils ont des mètres comme unité.  On constate que la forme en cloche dans la partie latérale s'étale alors que sy augmente (σy sur la figure) lorsqu'on s'éloigne de la cheminée.  Dans la partie verticale, la forme de cloche initiale se modifie suite à la présence du sol.  C'est par ces coefficients qu'intervient la distance à la cheminée.

 


Dans notre formule, on retrouve aussi des variables qui tiennent compte des caractéristiques de notre cheminée.  La valeur de N représente la concentration odeur dans l'effluent dans la cheminée en uo/m3.  Puisque C représente la concentration de la même odeur (en uo/m3) à notre point de calcul, le modèle donne le taux de dilution de cette odeur suite à son transport vers ce dernier, selon sa localisation et les conditions météorologiques.  Profitons de l'occasion pour constater que C est directement proportionnel à N; plus N est grand plus C est grand.  Ainsi, on peut comprendre que la première façon de réduire la concentration calculée à notre point est de réduire N, mais ce n'est pas toujours facile d'y arriver et souvent coûteux.

 

La variable d représente le diamètre de la cheminée (au point de rejet dans l'atmosphère) et vs la vitesse de sortie de l'effluent au même point.  Nous verrons aussi comment ceux-ci influence C.  Il est très fréquent qu'un effluent, suite à un procédé, soit à une température qui lui est propre; celle-ci se cache dans la variable H que l'on appelle hauteur effective (mesurée en mètres), et on y reviendra.

 


Pour débuter, voyons, de manière simple, comment intervient la vitesse du vent, soit la variable u dans la formule du modèle.  Cette vitesse, exprimée en m/s, est celle mesurée à la hauteur de la cheminée.  Cette vitesse est écrite de manière explicite dans la formule mais elle se cache elle aussi dans la variable H et elle y joue un rôle un peu plus subtil que ce que l'on présente maintenant, mais on l'ignore pour l'instant.  

 

Prenons une situation quelconque illustrée à la figure suivante.  

Celle-ci illustre l’effet de la vitesse du vent sur la dilution de l’effluent d’une cheminée dans l’atmosphère.  La partie de gauche montre un cas avec un vent faible et celle de droite avec un vent plus fort.  

 

Supposons que la cheminée relâche 10 unités odeur durant un certain temps (par exemple durant 1 s).  Imaginons une surface de 1 m par 1 m qui balaie la cheminée durant cet intervalle.  Si le vent est de 2 m/s, la surface balayée (soit 1 m2) durant une seconde représente un volume de 2 m3.  Ainsi durant cette seconde, le volume de 2 m3 comprendra 10 unités i.e. une concentration de 5 unités par m3.  Si le vent est de 4 m/s, le volume sera de 4 m3 et dans lequel se dilueront 10 unités soit une concentration de 2.5 unités par m3.  

 

 


On constate ainsi que plus le vent est fort, plus la concentration sera faible parce que plus diluée.  Plus la vitesse du vent est importante plus C est petit parce que u est au dénominateur de notre équation.  C'est ce que l'on appelle la dilution horizontale.  

 

La vitesse du vent est donc une première variable météorologique qui influence directement la dilution d'un contaminant dans l'atmosphère.  De toute évidence, la direction du vent l'est aussi.  Le vent qui souffle en direction d'un endroit y transporte l'effluent.  On comprend aussi qu'un effet cumulatif pourrait se produire si plusieurs cheminées s'alignent les unes après les autres dans une direction de vent donnée.

 

Maintenant, voici la première difficulté avec notre modèle gaussien.  Si la vitesse du vent diminue et s'approche de 0 m/s, C devient de plus en plus grand et un vent CALME, u=0 m/s, provoque une situation insoutenable mathématiquement avec C qui devient infini !!!! 

 

Dans les prochains numéros nous verrons comment nous sortir de ce dilemme et nous poursuivrons l'explication du modèle gaussien.

 

 

Référence :Stockie, J.M., 2010:  The mathematics of atmospheric dispersion modelling.  
Department of Mathematics, Simon Fraser University, 8888 University Drive, Burnaby, BC, V5A 1S6, Canada, http://www.math.sfu.ca/~stockie/atmos.

 

 

 

Rédigé par Richard Leduc