Question de turbulence - 4

Question de turbulence - 4

 

Richard Leduc, Ph.D. (AirMet Science Inc.)  

a 46 ans d'expérience en météorologie et qualité de l'air dans le domaine de la modélisation de la dispersion; il a développé un modèle lagrangien stochastique pour application en milieu densément urbanisé. Il a mis en place plusieurs programmes d'échantillonnage, publié des livres, articles, rapports etc. et donné de nombreuses formations. Il est Professeur associé bénévole à l'Université Laval. Amateur d'art et d'histoire c'est un collectionneur d'icônes et autres objets. Son odeur préférée est l’odeur du sapin baumier.

 

Suite de l'article commencé dans les numéros 4 et 5 et 6 d'OdoMag

 

Depuis les 3 derniers numéros, nous avons discuté du phénomène de l'inversion de température (particulièrement l'inversion de radiation) qui est souvent associée à une augmentation des concentrations d'odeurs et de contaminants.  

 


Oublions un peu le paysage idyllique favorable à la formation de cette inversion.  Assistons à un autre spectacle, celui du lever du soleil qui annonce une belle journée d'été.  Qu'arrivera-t-il à notre inversion?

 


Tout d'abord disons que celle-ci est à sa phase la plus intense car c'est à ce moment que la température de l'air atteint son minimum, c'est-à-dire un peu avant que le soleil ne fournisse assez d'énergie pour en stopper la perte.


Graduellement, le soleil s'élève dans le ciel et, tout aussi graduellement, l'énergie solaire qui parvient au sol est à la hausse.  Le sol, selon son pouvoir réflectif (ou albédo) absorbe une quantité d'énergie et se réchauffe. À son tour, il émet du rayonnement qui a la propriété d'être absorbé par l'atmosphère (un autre sujet dont nous discuterons) et il réchauffe l'air en son contact.  Mais on se souvient que l'air est mauvais conducteur de la chaleur et ainsi l'air près du sol se réchauffe davantage que celui un peu plus haut.  L'air chaud étant moins dense que l'air froid, on assiste à la formation de bulles qui s'élèvent dans l'air environnant: voici le retour de notre parcelle d'air.  Ces volutes ou ces bulles sont semblables à un bouillonnement et on peut voir ces mouvements très près du sol sur une route pavé ou un sol désertique fortement réchauffé.  


Ces bulle transportent maintenant de la chaleur vers le haut, se mélangent avec l'air environnant et font augmenter la température de sorte que l'inversion de température s'effrite graduellement; la remontée d'air dans ces bulles s'accompagne d'une descente d'air et le cycle se maintient.  

 

Ainsi au fur et à mesure que l'avant-midi avance, l'inversion s'amoindrit et graduellement à cause de ce mélange s'établit dans l'atmosphère un gradient de température voisin du gradient adiabatique sec (-9.8C/km).  On se souviendra que ce profil est un profil neutre qui ne favorise pas l'accumulation des contaminants.  La journée s'avance, le ciel demeure dégagé, le vent faible.  Le processus de réchauffement se poursuit et selon le type de sol, le réchauffement peut devenir si intense que la température devient très élevée: à un moment durant l'après-midi, elle atteint son maximum.  Le profil de température peut à ce moment devenir instable car l'air près du sol est si chaud que suite à leur soulèvement (adiabatique comme on l'a vu précédemment) les parcelles demeurent plus chaudes que l'air environnant.  Les odeurs et contaminants captifs sous l'inversion sont au fur et à mesure mélangés et voient leur concentrations diminuer.


Nous sommes maintenant en mesure d'énoncer un fait important: d'une situation stable on a évolué vers une situation instable à cause du réchauffement de l'atmosphère par sa base (portion près du sol).  Et à l'inverse, d'une situation instable on évolue vers une situation stable si l'atmosphère se refroidit par sa base (lors de la nuit suivante dans notre exemple).  Ce fait est valable peu importe les conditions.  Par exemple ce peut être un refroidissement (une stabilisation) suite au passage d'une masse d'air chaud sur un lac froid.  À l'inverse l'air se déstabilisera lorsqu'en provenance d'une région froide il se déplacera sur une région fortement réchauffé ou sur une mer ou un lac relativement plus chaud.  


Reprenons notre profil environnemental de température stable mais cette fois, nous gardons constante la température de la base mais pas celle en altitude.  Si cette dernière diminue suffisamment, il peut arriver que le profil devienne maintenant instable.  Voici un second fait important: d'une situation stable on évolue vers une situation instable suite à un refroidissement de la partie supérieure de la couche considérée; et inversement d'un situation instable on évolue vers une situation stable si l'air en altitude se réchauffe.  

 


La photo satellitaire illustre ce phénomène de déstabilisation suite à un réchauffement par la base.  L'air très froid en provenance du continent se réchauffe sur la mer et amorce un mouvement vertical qui donne naissance à la formation nuageuse typique que l'on observe au large de la côte Est.


Après ce long périple, nous concluons sur un autre fait: le soulèvement des parcelles vers le haut, appelé convection (ou turbulence thermique), est une première source de turbulence d'intérêt pour nos contaminants, une seconde étant la turbulence mécanique.  N'oublions pas la turbulence due au cisaillement qui nous oblige à boucler notre ceinture lors de nos déplacements en avion.  Nous verrons dans le prochain numéro d'OdoMag comment tout cela se concrétise.
 

Rédigé par Richard Leduc