Turbulence toujours d’intérêt

Turbulence toujours d’intérêt

 

Richard Leduc, Ph.D. (AirMet Science Inc.)  

a 46 ans d'expérience en météorologie et qualité de l'air dans le domaine de la modélisation de la dispersion; il a développé un modèle lagrangien stochastique pour application en milieu densément urbanisé. Il a mis en place plusieurs programmes d'échantillonnage, publié des livres, articles, rapports etc. et donné de nombreuses formations. Il est Professeur associé bénévole à l'Université Laval. Amateur d'art et d'histoire c'est un collectionneur d'icônes et autres objets. Son odeur préférée est l’odeur du sapin baumier.

 

Dans les derniers numéros d'OdoMag, nous avons discuté de la turbulence dite d'origine thermique et mettant en cause le profil vertical de température et nous avons aussi présenté le phénomène d'inversion.  

 

Il y a aussi un autre type (selon son origine) de turbulence, celle dite mécanique.  Celle-ci dépend de la vitesse du vent et se manifeste près du sol.  

 

Plus le vent est fort, plus cette turbulence sera forte.  Elle est due au passage de l'air sur des objets ou obstacles près du sol, comme des arbres ou des bâtiments et elle dépend de ce type d'obstacles.

 

Supposons de l'air en mouvement (vent) sur une surface plus ou moins couverte de bâtiments.  Un peu partout, l'écoulement de l'air se modifie (différentes forces de pression sont en jeu) face à un mur ou derrière un mur et l'air s'engouffre dans les rues bordés d'édifices (voir le numéro de la 3e Édition, hiver 2016).  À un endroit donné (et entre deux endroits même très proches) la vitesse et la direction du vent sont très variables et on en a tous fait l'expérience.  Cette variabilité est de la turbulence d'origine mécanique.  

 


Imaginons un cas moins urbain: celui de l'air qui s'écoule au-dessus d'un champ.  L'air qui s'écoule près du sol subit l'action d'une force de frottement (qui diminue sa vitesse) due à la présence des obstacles au sol, comme un champ de blé, de maïs ou des arbres; au fur et à mesure que l'on s'éloigne du sol (même de quelques mètres ou dizaines de mètres), cette force de frottement diminue et ainsi la vitesse du vent peut augmenter.  On a donc la situation suivante: près du sol l'écoulement est à une vitesse moins grande que plus haut en altitude et cette différence induit des tourbillons: c'est de la turbulence mécanique.  Une image peut illustrer cela: tenez un crayon verticalement.  Si le haut se déplace plus vite que le bas, il y aura un mouvement giratoire tel un tourbillon.  Évidemment l'air n'est pas un solide mais le phénomène s'y apparente.  

 

La nature du sol influence ainsi la turbulence mécanique mais aussi celle d'origine thermique comme on l'a vu.  Par exemple, une surface foncée et sèche favorise l'absorption du rayonnement solaire qui réchauffe la basse atmosphère et peut créer de la turbulence thermique, et les deux types de turbulence sont présents du moins durant le jour.  Voici une question importante: jusqu'à quelle altitude le sol a t'il une influence sur ce qui se passe dans l'atmosphère?  

 

Ceci nous amène d'abord à poser une définition: celle de la couche limite atmosphérique.  On dit que la couche limite atmosphérique est la partie de l'atmosphère située près du sol et dont le sommet est à une altitude à laquelle on ne peut au cours d'une journée identifier l'influence du sol.  Sous cette altitude, le profil vertical de la vitesse et de la direction du vent varient au cours de la journée selon la nature du sol; plus haut les variations dépendent de la situation météorologique actuelle.  Nous voici de retour avec le cycle quotidien de stabilisation et déstabilisation et l'effet du frottement.  

De manière pratique, ceci conduit au calcul nécessaire de la hauteur de la couche limite.  Généralement, le sommet de la couche limite est marqué par une inversion de température.  Faisons un retour dans le monde des odeurs: les odeurs émises par une source près du sol seront ainsi éventuellement mélangées dans la couche limite sous l'effet de la turbulence.  Plus cette couche est épaisse plus la dilution des odeurs sera grande.

 

La prochaine fois que vous prenez l'avion portez une attention à ce qui se passe à l'atterrissage (et au décollage): l'appareil descend doucement vers le sol mais à une hauteur donnée on peut nettement commencer à percevoir de la turbulence.  On a franchi le sommet de la couche limite et l'effet du sol sur le profil de vent se manifeste.  Mais quand on est en avion à haute altitude, il y a aussi de la turbulence qui oblige à rester attaché et à ne pas circuler et elle est particulièrement sournoise; elle est aussi d'origine mécanique (i.e. une variation de la vitesse du vent avec l'altitude).  Elle est associée au courant-jet dont nous verrons l'origine dans quelques numéros.


Source d’illustrations : 
http://www.horizonvfr.com/le-guide-vfr/meteo-nuages
http://jaipeurdelavion.com/

Rédigé par Richard Leduc